Un roman, comme un journal intime.
Les mots tus. Les confidences d’une jeune iranienne.
Un quotidien tiraillé entre ce qu’elle peut être et ce qu’elle est au fond d’elle.
Deux jeunes femmes se côtoient dans ce corps de seize printemps. Il y a la facette acceptée par la société : cachée, discrète, docile, lèvres closes et yeux baissés. Il y a celle qui s’exprime une fois la porte de sa chambre refermée. Une jeune fille « de nos jours » qui rit, danse sur les tubes contemporains, se maquille, passe des heures sur les réseaux sociaux, invente des chorégraphies qu’elle poste ensuite sur Tik Tok, écrit des citations inspirantes sur Instagram. Une jeune fille complice avec ses amies, ses alliées de tous les jours et qui partage aussi une amitié virtuelle et forte avec d’autres adolescentes vivant à des milliers de kilomètres de Chiraz.
Badjens : espiègle, effrontée.
Badjens, nom que lui donne sa mère quand elles ne sont que toutes les deux.
Zahra pour sa famille, ses professeurs, la société.
Être née fille en Iran. Grandir dans l’ombre de son frère. Passer après. Se contenter de peu et voir les garçons avoir tous les droits. Être surtout privée de liberté.
Des mots pour exprimer ce quotidien entravé. Les mots d’une petite-fille mise de côté par son père, d’une pré-ado qui ne sait comment exprimer son désaccord, d’une jeune fille qui se rebelle dans l’Iran d’aujourd’hui.
Des écrits pour exprimer ce qui est tu, pour raconter la violence subie, pour montrer la culpabilité de la société et de leurs bourreaux, pour être enfin reconnue comme victime et non plus coupable.
Des mots pour se protéger des maux infligés par une société et ses hommes.
De ces femmes entravées dans leur liberté, qui cachent leur vraie personnalité, qui se dévoilent dans l’intimité, au milieu de leur mère, sœur et amie. Des femmes qui vont oser se révolter et s’affirmer. Des femmes qui vont dire non et reprendre le combat. Leurs armes : un slogan et des cheveux au vent.
Un monologue dont on ne ressort pas indemne.
Les confidences puissantes d’une nouvelle génération.
Un cri de liberté.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« J’embrasse la musique et l’instant présent. Je danse. Je transe. Je transgresse. J’oublie. J’oublie tout… »
« En fait, je pense tous ces espaces comme des refuges. Ou plutôt comme des boucliers. Les mots sont des armures contre la prison de nos maux. »
« Dans mon studio, penchée sur leur bras, leur épaule ou leur dos, je me sens comme l’ouvrier de l’usine des livres broyés du restaurant de Bohumil Hrabal : je transforme les mots interdits en œuvres d’art, nouveau langage indélébile, tatoué à jamais sur la peau. »
« Toutes ces années, nous sommes restées muettes, handicapées du silence. Blessées à l’intérieur. Crâneuses à l’extérieur. A présent, toute notre vulnérabilité s’évapore sous la peau de nos mots. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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