Dans « Canoës », Maylis de Kerangal signe un joli recueil de nouvelles avec au cœur des récits : la voix. Chaque texte se concentre sur ces voix qui nous déterminent, nous rassurent, nous bercent et que l’on tente parfois de transformer.
Chaque nouvelle fait le portrait d’une femme. Chacune vit une période troublée. Chacune cherche sa voie à travers la voix. Et à travers ces femmes, ces voix deviennent plurielles.
J’ai été emportée par ces nouvelles qu’on peut lire dans l’ordre, dans le désordre, en commençant par le milieu. Il n’y a pas de règles. Toutes ces nouvelles qui ont comme point commun les femmes et la voix, abordent des thèmes très différents. On retrouve une animatrice de radio qui modifie sa voix pour la rendre plus grave et plus crédible à l’antenne ; une femme qui retrouve son homme et qui ne reconnait plus sa voix qu’il a modifié au contact de l’apprentissage d’une nouvelle langue, la voix que l’on retrouve au contact d’un texte qui fait ressurgir des émotions, la voix qui porte les fêlures et la voix d’une femme disparue sur un répondeur, dernier souvenir pour sa famille.
J’ai eu un coup de cœur pour la nouvelle « Mustang », sur cette femme qui après la perte d’un enfant, part aux Etats-Unis, rejoindre son compagnon et va tenter d’apprivoiser ce nouveau pays pour se retrouver. J’ai aussi beaucoup aimé la nouvelle « Un oiseau léger », un magnifique texte sur le deuil et chargé en émotions.
Le titre de ce recueil fait sens, comme la voix qui transmet un message, le canoë permet aussi la transmission des échanges dans les villages coupés par l’eau. Dans chaque récit, on retrouve ainsi le canoë de façon discrète, en pendentif autour du cou d’une femme, ou sous sa forme réelle, permettant une balade ou servant d’objet de décorations.
Dans ce recueil, Maylis de Kerangal a un pouvoir de conteuse. Le style d’écriture est très maitrisé. Chaque mot compte, chaque virgule apporte son souffle. Il y a une vraie musicalité dans ces textes. C'est beau. C'est poétique.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Ce mimétisme vocal ne modifie pas seulement sa parole, il brouille toute sa personne, des muscles faciaux que je ne lui connaissais pas sont apparus sur son visage, des attitudes nouvelles, des expressions et des gestes, une façon de se tenir au monde (…). »
« (…) elle habite mon oreille depuis si longtemps, cette voix, qu’un mot, deux syllabes à peine me suffisent pour la détecter sans erreur possible, pour l’isoler parmi des centaines d’autres comme une piste sur la bande de mixage de celles qui m’accompagnent, pour la capter de loin (…) »
« Les voix infusent en elles tandis qu’elles couvrent de notes les livres qu’elles aiment, (…) »
« Sa voix lui survivait sous une forme enregistrée, inusable, sous la forme d’un oiseau léger. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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