Trois parties. Trois pronoms. Toi, Moi et Nous.
Une voix raconte la vie de Tarek dans les années 80 en Egypte. Tarek, jeune médecin, spécialisé dans la chirurgie, partage son temps entre l’hôpital où il exerce et le cabinet de son père qu’il a repris. Issu de la bourgeoisie égyptienne, sa vie est toute tracée et étouffée dans les carcans des normes et codes à respecter. Entouré de femmes, il partage sa vie entre son épouse discrète et mystérieuse, une mère tragédienne et menant son monde à la baguette, une sœur qui est à la fois sa meilleure amie et sa confidente et la domestique de la maison, une deuxième mère, oreille curieuse de tous les secrets familiaux.
L’ouverture d’un dispensaire dans un quartier défavorisé va bouleverser le quotidien de Tarek. En plus, d’apprécier écouter les peines de ces habitants et d’apporter son aide, Tarek fait la rencontre avec Ali, un jeune homme d’une vingtaine d’années qui lui demande de soigner sa mère. Un lien fort va naître entre les deux hommes et une échappatoire va s’ouvrir pour Tarek. Pour la première fois, il va avoir un aperçu du sentiment de liberté.
Et la voix continue de nous conter ce bouleversement, les conséquences sur la vie de Tarek et des femmes qui l’entourent et surtout l’exil contraint.
Et la voix se dévoile au fil des années qui passent et révèle par la même occasion les secrets de cette famille qui ploie sous les traditions, les rumeurs de leur classe et les transformations politiques et sociétales de l’Egypte entre les années 80 et 2000.
D’une écriture délicate et émouvante, l’auteur nous décrit une famille abîmée par les secrets et les traditions. Avec agilité, les dévoilements arrivent au fil des pages et nous chamboulent. La filiation et l’amour universel sont abordés avec finesse et sensibilité. Les caractères des personnages se dessinent avec beaucoup de profondeur et chacun de leurs actes fait sens, sans aucun jugement.
Il y a beaucoup de maîtrise et d’élégance dans ces pages.
Un magnifique et envoûtant premier roman qui se lit avec beaucoup d’émotions.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Je crois que personne ici ne se souvient de ce dont il est censé se souvenir ; c’est peut-être mieux, finalement. »
« Le khamsin teintait d’ocre le ciel de la capitale. Il donnait au paysage un air de carte postale jaunie. Les instants que tu t’apprêtais à vivre avaient déjà l’apparence de souvenir défraichis. Indifférents à tes pensées, le vent avait continué à charrier son sable brûlant entre deux déserts. Tu n’avais pas cherché d’autres explications à ton œil soudain humide et à ta respiration oppressée. »
« Le destin justifie les épreuves et confère aux réussites un semblant d’élection divine, alors que le hasard donne aux premières des allures d’imprévoyance tout en vous retirant le crédit des secondes. »
« Je cesse à présent d’écrire ta vie, parce que les mots ne peuvent pas tout. Ils ne peuvent pas ramener de la mort ceux qui nous ont quitté, ils ne peuvent pas guérir les malades ou résoudre les injustices, tout comme il est absurde de prétendre qu’ils déclarent des guerres ou y mettent fin. »
« Passé, présent, futur. Le temps est une grammaire pour l’humanité, une fiction admise de tous. Une fausse évidence. Une vraie religion. Et pourtant, à quelle temporalité appartient cet instant ? »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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