On me demande souvent quel est le livre que j’ai le plus offert. Et après réflexion, il me semble que c’est « L’usage du monde » de Nicolas Bouvier pour ce magnifique récit de voyage et surtout pour cette invitation à découvrir le monde qui nous entoure avec nos yeux et non avec ce qu’on nous a raconté. Quel plus beau cadeau à glisser dans une valise pour un premier voyage. Quelle belle lecture pour s’évader quand on ne peut pas bouger. Quel récit pour sortir de sa zone de confort.
C’est aussi ce livre de Nicolas Bouvier qui a donné envie à François-Henri Désérable de partir sur les traces de l’auteur et de sillonner les mêmes villes d’Iran plusieurs décennies plus tard.
Fin 2022, malgré un pays en crise et un désaccord des Affaires étrangères, son avion atterrit sur le sol iranien. Là où tout le monde fuit le régime, il part visiter le pays. L’Iran où règne une tension palpable depuis l’assassinat de Masha Amini. Il arrive au cœur des événements de la révolte iranienne dans un pays où l’on réprime par la violence toute opposition au régime et tout cheveux féminins non couverts.
De ville en ville, il retrace l’itinéraire de l’auteur suisse. De ville en ville, il part à la rencontre de ses habitants. Il croise des jeunes femmes et des jeunes hommes qui abandonnent leur peur pour le courage de crier leur désaccord face à la politique mise en place par la république islamique, qui écrivent sur les murs trois mots résonnants : Femme – Vie – Liberté.
Pendant quarante jours, il traverse les mêmes villages et parcourt les mêmes routes que Nicolas Bouvier l’a relaté dans « L’usage du monde ». Et à son tour, il nous raconte ses habitants, ses rencontres qui lui font découvrir le pays sous un autre angle que celui décrit par les médias. Il nous conte la beauté et la luminosité des paysages, l’engagement des habitants, le fourmillement des bazars et les coutumes de ce pays.
C’est le récit d’un voyage dont on ressort différent et avec un autre point de vue de l’Iran contemporain grâce aux histoires de ses habitants. C’est une lecture qui élève et qui fait réfléchir.
De l’humour, du courage et de très belles images se reflètent dans ces pages.
Un très beau livre à découvrir.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« C’était le merveilleux écho de Téhéran. C’était la nuit, traversée d’un éclair. »
« Mais plus que jamais le pouvoir se méfiait du Bazar : le Bazar a la faculté de faire vaciller le pouvoir. Moi aussi, je me méfie des bazars. Dans les bazars je suis un faible. Je ne sais pas dire non. (…) Depuis, les bazars, je n’y entrais qu’à reculons. Surtout dans celui de Chiraz, dit bazar de Vakil, où moi qui d’ordinaire, en voyage, cherche à me délester du superflu, j’aurais bien tout acheté : à déambuler dans le bazar de Chiraz, j’avais des envies très bourgeoises de maison secondaire, de lourds tapis devant un feu de cheminée et de service de table (tu parles d’un aventurier). »
« « Il semble qu’il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu’on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté », a écrit Kundera. Si je ne devais emporter qu’une seule image de l’Iran, la voici. »
« Si l’on voyage, ça n’est pas tant pour s’émerveiller d’autres lieux : c’est pour en revenir avec des yeux différents. Et dilater le temps qui passe : chez soi, les heures nous filent entre les doigts ; en voyage, un seul jour a l’épaisseur d’une semaine, une semaine d’un mois, un mois d’une année, une année d’une vie toute entière. »
« Le miroir que l’on promène le long du chemin, c’est le récit de voyages. On va de ville en ville un miroir à la main : des paysages, des visages s’y reflètent : on décrit les uns, on écrit les autres ; on en oublie beaucoup. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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