A travers les pages de ce roman, on découvre les dix années qui ont marqué la création de la statue des « Bourgeois de Calais » par Rodin.
De 1884, date de la première rencontre dans l’atelier de Rodin à Paris, entre Omer Dewavrin, alors maire de Calais et le sculpteur, à 1895 qui marque l’inauguration de la statue en présence des habitants et des politiques, la réalisation de cette œuvre ne sera pas un long fleuve tranquille. Pendant les dix années de création, Omer Dewavrin et Rodin vont connaître de nombreux désagréments mais aussi apprendre à se connaître.
Cette œuvre a en effet eu un parcours semé d’embuches. Le récit relate l’hostilité, l’opposition de la presse et des élus, les problèmes de financement que le projet a connu, les oppositions politiques notamment lorsqu’Omer est déchu de son poste de maire, la crise financière de 1888 et l’épidémie de choléra de 1892 qui oblige Omer a instauré un confinement à Calais pour éviter que le virus ne se propage avec l’ouverture de la ville sur la mer et les routes. Même l’événement pour l’inauguration de la statue connaît des tumultes.
Mais pendant toutes ces années, Rodin pourra compter sur l’amitié et le soutien d’Omer Dewavrin et de sa femme, Léontine, pour qui il a beaucoup d’admiration.
Une très belle amitié toute en sincérité et pudeur, va naître entre ces deux hommes que tout oppose, l’un est un homme de loi à l’esprit rationnel, le deuxième est un artiste passionné. Leur complicité va permettre à l’œuvre de voir le jour. Tandis que l’artiste pense, innove, sculpte, abandonne à plusieurs reprises et reprend à chaque fois, l’élu se bat pour donner vie à la statue et chercher les financements nécessaires.
Dans ce récit, on croise aussi Camille Claudel au départ jeune assistante de Rodin qui l’aide sur cette commande en réalisant notamment les pieds des statues et qui devient son amante, puis leur séparation qui affectera le sculpteur et mettra en pause son travail.
C’est un roman passionnant sur le monde de la sculpture et les nombreuses avancées et découvertes que la statue des « Bourgeois de Calais » a permis dans ce milieu. De très belles descriptions du travail de Rodin, de ses gestes et de ses réflexions sont racontées et on ressent même son perfectionnisme.
A la fin du roman, sont annexées quelques-unes des correspondances entre Rodin, Omer et Léontine Dewavrin dont l’amitié a continué bien après que l’œuvre ait été terminée et qui a inspiré l’auteur.
L’écriture est fluide et élégante. J’ai été touchée par cette très belle amitié entre ces deux hommes.
Une histoire passionnante et enrichissante!
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Elle ne savait rien des termes de la loi et de la finance, mais son ton direct et cordial – elle écrivait comme elle parlait- avait sur Rodin l’effet d’un tonique. »
« Parmi les premiers, il avait subi l’envoûtement de l’étrange chorégraphie. On restait devant elles, on en faisait lentement le tour, marchant le regard rivé sur ces bras, ces mains, ces pieds, ces visages. On pivotait dans un mouvement doux et impérieux, irrésistible. Une valse lente. L’ordre des choses était renversé : l’inerte animait le vivant. »
« Est-ce que c’était beau ? Rien de ce qu’appréciait Omer Dewavrin ne l’avait préparé à aimer les Bourgeois, mais il les aimait, comme une forme lentement mûrie de son âme. »
« Le charme avait opéré. Il avait vu les gens faire, comme lui, le tour des Bourgeois, le visage renversé, les yeux vers le ciel. Perdus dans leur contemplation, ils se bousculaient et se réveillaient comme d’un songe. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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