Quand l’aîné avait la passion de la politique, le cadet avait celle des arts. Les deux avaient en commun l’engagement chevillé au corps. Quand on lui demandait s’il avait un lien avec Léon Blum, son frère aîné, René esquivait la question. On ne mélange pas la politique et les arts.
De décembre 1941 à septembre 1942, ce premier roman retrace les derniers mois d’un homme passionné et engagé. Alternant le récit de ces derniers mois et les moments importants de sa vie d’homme, de critique et de directeur de théâtre, l’auteur met sur le devant de la scène, un homme de l’ombre qui a œuvré toute sa vie pour faire avancer le monde des arts.
Adolescent, René passe ses soirées dans les théâtres. Il vibre sous les tirades des classiques, il admire les metteurs en scène de l’époque. Ses journées sont occupées à observer les artistes et les critiques de la Revue blanche. Il n’est pas question pour lui de travailler dans l’entreprise familiale.
Il plonge dans l’art, écume les salles de spectacle de la capitale et critique à son tour. Dans son bureau, près de l’Opéra, il rédige des articles avec un regard qu’il veut passionné et neutre. Déjà, se pose la question de séparer l’homme de l’artiste et les critiques parlent parfois plus des polémiques autour d’un spectacle que du spectacle lui-même. René veut défendre les artistes. Il côtoie les comédiens, les écrivains et les peintres avant-gardistes de son époque. Dès qu’il peut apporter sa contribution, il n’hésite pas. Il se fait le lien entre les artistes et les financiers. Il est prêt à se ruiner pour qu’une compagnie survive. Il mettra toutes ses économies pour la survie de la compagnie des ballets de Monte-Carlo avec toujours comme mantra : Faire rêver les spectateurs pendant quelques heures, leur permettre de s’évader et de réfléchir autrement.
Arrêté au cours de la rafle des notables, René Blum passera ses derniers mois dans les camps de Compiègne et de Drancy, puis à Auschwitz où il perdra sa vie. Pour ne pas laisser la violence des événements prendre le dessus, il mettra en place des conférences sur les arts dans les camps, récitera des poèmes de tête accompagnés d’autres hommes de la scène.
D’une écriture maîtrisée et pleine d’émotions, l’auteur dessine le portrait d’un esthète, cultivé et amateur d’art qui passera sa vie à œuvrer pour les artistes.
Un premier roman passionnant.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Ici pas de fourrures, pas de hauts-de-forme, seulement des gens du peuple, avec pour seule particularité d’aimer profondément le théâtre, au sens large, d’aimer ce qu’il représente, le texte, le jeu, le décor. »
« L’art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler des peurs, et contribuait à réduire l’ignorance. »
« Et pendant les quelques heures que durait la représentation, les spectateurs étaient emportés dans un ailleurs, hors du quotidien, hors du commun. »
« Un monde dans lequel la poésie était maîtresse des mots, la fureur était transformée en passion, le pouvoir, lui, se dissolvait en beauté. »
« L’écriture des uns donnait la possibilité à d’autres de voyager et d’outrepasser les limites réelles pour se confronter à d’autres frontières, plus lointaines. Les romans n’apportaient pas de réponses aux questions mais donnaient la possibilité de montrer que d’autres chemins existaient. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
Comments