
A 70 ans, Fatima n’a jamais vu la Tour Eiffel. Pourtant c’est son rêve depuis qu’elle est jeune fille. De son Algérie natale, elle garde toujours près d’elle, cette carte postale qu’elle a trouvé dans une clairière dans les années 60, représentant l’un des monuments le plus célèbre de Paris.
A son arrivée en France, elle vivra à quelques stations de métro de son rêve. Mais il faudra attendre l’anniversaire de ses 70 ans en 2005 et une balade en péniche offerte par ses dix enfants pour que Fatima s’approche enfin de la Tour Eiffel.
Avec cette balade, Mabrouck Rachedi nous raconte l’histoire de sa famille. Les chapitres alternent l’événement familial de 2005 et les retours dans le passé. Les passages des ponts de Paris sont symboles de moment fort de leur vie et permettent à l’auteur de confier les secrets de sa famille, sa construction comme écrivain et l’histoire de ses parents ainsi que les confidences que lui seul détient.
Il est le petit dernier. Il est aussi le confident de ses parents et de ses neveux et nièces.
Un récit touchant qui parle d’immigration, d’intégration, de réussite sociale, de rêves, de choix, de la difficulté de s’émanciper de ses parents et du poids familial.
Les mots de ce récit sont bouleversants et justes. Une écriture sans jugement, juste avec le cœur et la sincérité.
Un roman rythmé par l’histoire d’une famille, ses confidences, le poids du passé et des secrets.
L’auteur se libère au fil des pages du poids des secrets. Il nous les confie. Il les pose à travers des mots sincères pour lui-même avancer et faire son deuil.
Ecrire pour dire merci à ses parents.
Ecrire pour témoigner son admiration à ses frères et sœurs.
Ecrire pour raconter la pudeur familiale et l’amour qui enveloppe cette famille. Une famille qu’on aime mais dont il est toujours difficile de dire les trois mots les plus beaux, car c’est connu, c’est plus facile de montrer son amour par des gestes et des objets que par des mots.
Ecrire pour poser les mots qu’on n’a pas eu le temps de dire.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Si je devais vivre dans un film, ce serait dans Star Trek pour goûter aux joies de la téléportation…aussitôt ai-je formé intérieurement ce vœu, qu’un brusque coup de frein immobilise le train. Une annonce nous signale ce que l’on sait déjà, que nous sommes au milieu de la voie, sans se donner la peine de préciser pourquoi. Les nez se décollent du paysage, des journaux, des magazines et des quelques téléphones portables. On voit dans le regard de l’autre sa propre impuissance. C’est ça la vie en banlieue, parfois on s’arrête sans savoir pourquoi. »
« Il lui avait tout raconté dans les moindres détails : la conversation des voisins sur le bateau, les cercles des mouettes dans le ciel qui se découpaient dans la brume, les groupes qui se formaient…En plus d’être un conteur hors pair, Mohand était un fin observateur des mœurs. Il était aussi un amoureux attentif. »
« Toutes les vies qu’on n’a pas vécues portent le maléfice du doute, celui qui nous pousse à penser qu’on aurait pu avoir mieux autrement. La réalité perd toujours face à l’imagination. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
Kommentare