Dans les longs moments d’attente, la narratrice de ce roman autobiographique nous confie son secret pour éviter l’ennui : écrire le trop-plein d’émotions, poser les mots et les phrases dans un coin de sa poche. Et puis, un jour, elle a osé franchir le pas et ses mots se sont posés sur du papier pour former ce magnifique roman.
Et alors, elle nous raconte son adolescence studieuse dans ce prestigieux lycée parisien. D’abord, faiblement représentée, elles ne sont que quatre lycéennes en première dans les années 80, elle ouvre la porte à de nombreuses jeunes filles au fur et à mesure des rentrées scolaires. Une lycéenne brillante qui décroche sa place pour la khâgne et là commence sa quête de soi. Elle papillonne quand ses camarades autour d’elle rêvent de conquérir le monde, d’argent et de succès. Elle ne trouve plus sa place dans la compétition, les plans en trois parties et les copies classées de la meilleure à la plus mauvaise note. Un dilemme naît alors : Comment refuser la place d’élite que la société nous offre tout en étant en accord avec soi-même et sa sensibilité ?
La narratrice est une jeune femme sensible qui perçoit le monde autrement et de façon singulière. Une jeune femme passionnée par les livres et les mots. Une jeune femme en quête de quelque chose qu’elle mettra du temps à trouver au fond de soi.
Elle prendra des cours de théâtre pour se libérer et libérer son esprit qu’elle a trop rempli de cours, de notions et de listes de vocabulaire à connaître par cœur. Elle va commencer plusieurs activités, essayer plusieurs métiers.
C’est par la rencontre avec un jeune homme qui deviendra son époux et le père de ses enfants, par son retour à ses origines juives et surtout par l’étude de l’hébreu et des textes religieux qu’elle trouvera sa place et du sens à sa vie.
Les dernières pages sont sur cet alignement entre son cœur et son esprit qu’elle a enfin trouvé, les mots qui forment le silence, le silence qui fut en elle.
Un récit philosophique et spirituel.
Des mots puissants pour parler de cette traversée, de cette quête que l’on peut connaître dans son entrée dans la vie d’adulte.
La traversée d’une adolescente puis d’une jeune adulte pendant ses études. La traversée d’une jeune femme qui cherche sa place.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Et voici que toutes mes lectures passées s’éclairent soudain d’une profondeur insoupçonnée. Je comprends que chaque extrait à commenter possède une clé très personnelle qu’il me faut découvrir, après l’avoir cherchée comme un trésor, afin de faire apparaître, de mettre au monde l’âme du texte. Chaque mot compte, et tous les vocables qui auraient pu être là et qui ne le sont pas, aussi. En creux. Tout grand auteur, sous l’apparence du français, s’exprime dans une langue totalement réinventée, recomposée par lui et qu’il faut, avec patience, « traduire » et révéler. Les grands écrivains parlent tout sauf « le français ». »
« Être un élève aimé, au moins une fois dans sa vie, est un élément fondateur. »
« Mais le plus humiliant au final reste pour moi le classement. Je n’apprends plus pour me perfectionner, pour découvrir, pour créer. J’apprends pour connaître plus que les autres et ainsi tenter de me hisser sur les barreaux d’une échelle qui reste définitivement une échelle sociale. Et rien de plus. Tout ce que je déteste. Il faut bien que j’accepte la réalité : ce système éducatif est basé sur la compétition et en aucun cas sur la création, l’échange et la participation. »
« Ici j’ai un statut enviable, j’ai une place où l’on accepte de me garder, j’appartiens à une élite, je suis dans une case sociale définie. Voilà pour le discours extérieur. Un joli paravent devant une tempête intérieure. »
« Mon cerveau refuse d’être une tête bien pleine ; quelque chose en lui se rappelle qu’il voulait être au départ une tête bien faite. »
« (…) un artiste, s’il a quelque chose à exprimer, le fera, quoi qu’il en soit. C’était comme une promesse. Ainsi les mots et les images ont-ils fini par sortir de ma poche. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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