Une fann vanyan, dans la culture haïtienne, est une femme courageuse, libre, indépendante, forte et combattante. Sonia Pierre est une fann vanyan. Figure emblématique de la lutte pour la reconnaissance des droits des Dominicains d’origine haïtienne, cette avocate a combattu toute sa vie.
Catherine Bardon nous conte l’histoire de cette femme au parcours remarquable dans l’Histoire des années 60 à nos jours, des conflits entre la République Dominicaine et Haïti.
Enfant, née sur le sol dominicain, de parents d’origine haïtienne, Sonia grandit à Lecheria, dans un batey, un campement aux maisons précaires, regroupant les familles travaillant dans les plantations de canne à sucre. Elle vit dans une grande pauvreté au milieu des familles toujours trop nombreuses, des corps vieillis prématurément par les douze heures quotidiennes de labeur, de la pâleur des soupes. Elle grandit dans l’insouciance de l’enfant grâce aux jeux inventés, aux jouets fabriqués à partir de rien et à sa meilleure amie, Kerline.
Elève studieuse sur les bancs improvisés d’une classe gérée par un missionnaire, elle dévore les livres qu’il lui offre. Assise dans le fond de cette classe en plein air car dépassant tous les autres enfants, elle retient chaque leçon et apprend très vite l’espagnol. Elle sera ainsi une des premières enfants d’un batey à poursuivre ses études en ville.
Combattante et habituée à l’injustice de son pays, elle organise à seulement 13 ans une grève dans la plantation pour faire reconnaître les droits de ses proches. Elle obtiendra une augmentation de salaire pour ces hommes.
Devenue avocate en droit humain, Sonia continue de se battre et forme son association, le MUDHA pour poursuivre son combat dans la reconnaissance des droits humains, la dénonciation des violations des droits fondamentaux des Haïtiens et des Dominicains d’ascendance haïtienne et la lutte contre la précarité notamment des femmes. Elle recevra de nombreux prix pour son engagement et le placera toute sa vie au-dessous de tout, et surtout de sa santé.
Le portrait d’une femme exceptionnelle dans un contexte toujours actuel, du statut des travailleurs migrants en République Dominicaine.
Les archives, témoignages, se mêlent à des personnages fictifs pour un roman engagé. Le parcours d’une femme forte qui s’est battue jusqu’au bout et au péril de sa santé pour défendre son peuple et surtout les femmes.
La narration choisie par l’auteure rend hommage au caractère discret de son héroïne. On sent l’admiration de l’auteure pour Sonia Pierre et grâce à ses nombreuses recherches, elle nous transmet sa passion et ses connaissances sur cette combattante au grand cœur.
A travers ces pages, c’est la rencontre avec une militante peu connue alors qu’elle a grandement œuvré, c’est montré l’autre côté des complexes hôteliers et des plages de Punta Cana, c’est remettre cette femme engagée, à sa juste place, sur le devant de la scène.
Un roman de la rentrée littéraire, à ne pas louper.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Les premiers souvenirs d’enfance de Sonia remontaient à ce temps-là, le temps des jeux d’enfants, des premières corvées ménagères, le temps de la musique de la conque de lambi, des courses d’escargots, des têtards dans les flaques d’eau après la pluie, de la frousse des iwas, et des fantaisies de Kerline. »
« Elle portait toutes ces femmes, elle était chacune d’entre elles pour qui tout était souffrance. Les idées, les théories sont si peu au regard de ce qu’on vit dans sa chair. Sa conscience fut traversée par une fulgurance. Ce fut une prise de conscience brutale, une épiphanie. Elle allait s’occuper de leur sort, elle y mettrait toute sa force, toute sa foi. Elle ferait entendre leurs voix, défendrait leurs droits, par tous les moyens imaginables. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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