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"Le verbe libre ou le silence", de Fatou Diome, aux éditions Albin Michel




Ecrire, une nécessité. Un moyen de respirer. Ecrire, un face à face solitaire avec un écran et un clavier. Ecrire de jour. Ecrire de nuit. Ecrire pour vivre.


Dans un essai passionnant et exalté, Fatou Diome revient sur sa passion pour l’écriture et surtout sur sa douloureuse expérience avec une éditrice mal-attentionnée.


Avec verve et ironie, elle conte le monde de la littérature d’aujourd’hui. Elle analyse ceux qui font et défont la littérature, ce qui fait et défait un livre. Elle s’interroge sur le formatage des romans dans les rangées de nos librairies, leurs trames similaires et les codes qu’ils reprennent et qui font vendre. L’auteure ose aller plus loin en posant les questions suivantes : Existe-t-il une littérature fast-food et une littérature gastronome ? Qu’avons-nous envie de lire ? Lisons-nous tous la même chose ? Est-ce qu’il y a encore de la place pour la littérature non-bankable ? Elle nous pousse, nous lecteurs, à nous interroger sur ce que nous consommons comme littérature et sur ce que nous avons envie de lire ou non.


Elle ose faire le parallélisme entre société financière et édition, quand il faut vendre des livres, l’auteur vit souvent dans une grande précarité, obligé de cumuler deux boulots pour vivre avec décence.


L’envers du décor de l’écriture et du monde de l’édition. L’auteure montre les coulisses de l’édition et de la fabrication d’un livre. Le bonheur face à son histoire, le processus de création et son exaltation. La mise en page d’un manuscrit avec les potentielles souffrances pour un écrivain face à un éditeur trop intrusif, à ses injonctions. Passer de la solitude de son bureau aux plateaux-télés pour promouvoir son roman, répondre avec le sourire aux questions non appropriées ou stéréotypées. Regarder les courbes de vente et le sourire de son éditeur s’étirer ou s’affaisser.


A côté de ses engagements, cet essai est aussi passionné et montre l’amour que porte l’auteure à l’écriture. Elle écrit sur l’écriture, sa passion. Par une écriture vivante et vibrante, elle rappelle ce besoin d’écrire, le bonheur que cela lui procure, la nécessité de poser des mots pour vivre et respirer.


Ecrire pour respirer. Ecrire pour dénoncer les injustices. Ecrire pour parler. Ecrire pour être libre.


De l’ironie, de la poésie, de la liberté dans ces très belles pages qui font réfléchir sur le monde contemporain des livres et rendent hommage aux grands écrivains, aux premiers qui se sont battus pour leur art.


Cet essai est un plaidoyer pour la liberté dans les livres et dans l’écriture.


Un essai passionnant sur l’écriture et les planètes qui gravitent autour. A lire. A réfléchir. A peut-être oser reposer le livre plébiscité et repartir avec un inconnu…


Les passages du livre qui m’ont touché :


« L’écriture, ce sont des lettres qui s’alignent dans l’âme et dansent l’humeur des jours, au rythme d’un pouls. »


« J’ai toujours pensé qu’écrire est l’une des façons les moins bêtes de perdre son temps. Telle une amoureuse, prête à tous les bobards pour aller retrouver son aimé, j’avais mes petites astuces pour me soustraire aux situations chronophages et répondre à l’appel de ma plume. »


« Ils paraphent, l’auteur parade ; ils rient, l’auteur respire ; ils annulent un rendez-vous, sa barque prend l’eau ; ils reportent une publication, l’auteur attrape le rhume ; ils se détournent de lui, il perd le nord ; ils se retournent contre lui, sa barque coule et, s’ils en informent leurs collègues, son avenir y passe. »


« La littérature d’aujourd’hui produit-elle des pièces uniques ou bien formate-t-elle éhontément des bricoles interchangeables, façon mobilier en kit ? (…) Et les écrivains, eux, comment se voient-ils ? D’opiniâtres artisans, rivalisant de minutie avec les orfèvres de la place Vendôme, ou bien des ouvriers à la chaîne, produisant diligemment du livre en série ? »


« Sans liberté, que vaut la création ? Pas même le poids d’une plume sur une balance ! Alors, me concernant, ce sera le verbe libre ou le silence. »


« Aujourd’hui, songeant aux mots du vieux pêcheur, je me dis que les œuvres littéraires, c’est une multitude de pirogues, jetées sur la même mer ; chacune, son cap, son allure et sa propre cargaison. La littérature, c’est une géographie de l’âme, où les vingt-six lettres de l’alphabet dessinent une immensité océanique, avec ses innombrables bras de mer et ses sinueux bolongs. »


Et vous, quel passage vous a parlé ?

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