« La Garrigue », une maison de famille, le lieu des retrouvailles d’été, des « grandes vacances » sous le chant des cigales et du soleil de Provence et l’endroit où se déroule le nouveau roman d’Adèle Bréau, « Frangines ».
On rejoint les sœurs Carpentier, Mathilde, Violette et Louise pour les vacances d’été dans la maison de leur enfance. Après un été douloureux, l’année précédente, cet été, sera celui du réajustement, de la fin des secrets mal gardés et du futur.
La Garrigue va abriter ces retrouvailles. Dans ce lieu, la voix de cinq femmes : les trois sœurs, Jeanne, leur maman et Clarisse, la fille de Violette, va s’alterner à travers les chapitres et les années.
Avant l’arrivée des hommes dans la maison et dans leur vie pour certaines de ces femmes, elles vont avoir quelques jours pour elles, pour reprendre leurs places dans la fratrie, leurs liens avec leur mère, leurs discussions, leurs querelles, leurs fous-rires et surtout leurs souvenirs.
Ce roman retrace l’histoire d’une famille, l’histoire de femmes avec leurs secrets, leurs forces et leurs douleurs. Chacune de ces femmes a son caractère et ses secrets. Et ensemble, elles vont s’en libérer, s’ouvrir et ainsi tourner la page pour avancer dans leur vie d’adulte.
Il y a Mathilde, l’aînée et la « femme parfaite ». Avec sa famille idéale : un mari parfait, deux enfants, une fille et un garçon, le choix du roi ; son statut de cheffe d’entreprise, son corps svelte et sans défaut, son appartement et sa grosse voiture, elle coche toutes les cases de la réussite. Mais sous cette perfection et son caractère autoritaire, se cachent des failles et des cicatrices visibles qu’elle va avoir le courage d’exposer.
Violette, c’est la sœur du milieu, le trait d’union entre l’aînée et la petite dernière. Elle a grandi dans l’ombre de son aînée et à défaut de pouvoir mettre en avant sa beauté, elle a brillé dans ses études. Après un mariage qui l’a brisée, elle commence enfin à être elle-même et à se libérer de ses démons. La rencontre avec son amour de jeunesse va faire remonter des sentiments et des tensions enfouis depuis plus de vingt ans.
La petite dernière, Louise, est restée en Provence auprès de ses parents. Infirmière libérale, elle soigne les maux de tout le monde, sauf les siens. Elle dit oui à tout le monde. Elle est l’épaule où tout le monde s’épanche, sauf elle. Louise garde tout au fond d’elle. Sa rencontre avec Lisa, la belle-fille d’une patiente, va lui permettre de libérer les mots qui restaient coincés au fond d’elle.
Jeanne, la mère de ces trois femmes, est heureuse d’avoir ses filles autour d’elle pour ce nouvel été où il manque un homme : le père de ses filles. Pour Jeanne, cet été, sera celui de la reconstruction et de la nouvelle vie qu’elle va oser ou non s’offrir.
Et enfin, il y a Clarisse, 12 ans, la fille de Violette. Clarisse observe sa mère, sa grand-mère, ses tantes. Elle admire ses femmes qui sont des modèles. Elle se construit grâce à elles. Elle puise dans leurs forces et leurs faiblesses.
Ces femmes que Clarisse voit se quereller souvent, qui ont parfois du mal à se comprendre mais qui s’aiment et qui sont liées par un lien très fort et incassable. En effet, quand il en manque une, elles se sentent amputées d’un membre et elles ont besoin d’être ensemble pour venir y puiser leurs forces et retrouver les racines qui les unissent.
« Frangines » est un livre tendre, émouvant et touchant. Il y a beaucoup de beauté dans la force et la vulnérabilité de ces femmes qui se sont constituées des carapaces pour se protéger soi mais également protéger leurs proches et les épargner de la dureté des épreuves de la vie.
Cette carapace va se fissurer pendant l’été où les sœurs vont faire tomber leurs masques. Les secrets vont se lever et tous les non-dits vont cesser. Chacune va oser s’affirmer et vider son sac.
Ce roman est un très bel hommage aux fratries, aux relations fortes qui existent entre frères et sœurs. Même si on s’éloigne, on se chamaille, on hausse le ton quelque fois, on s’aime très fort et chaque moment de retrouvailles est très fort et on aura toujours besoin d’être là les uns pour les autres.
L’histoire est émouvante, avec de jolis passages pleins d’émotions et de rires. On retrouve un peu de soi dans chacun des personnages. Ce livre est une jolie peinture d’une famille avec ses petits travers et ses joies.
On referme le livre avec un sentiment de nostalgie des vacances d’été et de ces retrouvailles en famille. Vivement les prochaines vacances !
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Comme beaucoup de petits derniers, elle leur avait apporté la fantaisie dont ils avaient failli manquer à une certaine période. »
« Elles peuvent bien avoir l’air indépendantes, épanouies, ces femmes ont toutes leurs failles, leurs doutes, leurs secrets. »
« Sa perfection, son maintien, sa force humaine dans ce corps si frêle. Peut-être que ce qui la fait tenir, c’est justement ce qu’elle renvoie, cette invincibilité sur laquelle ils s’appuient tous, et qui les arrange.»
« Rien ne change, en fin de compte. On croit devenir adulte mais à part le corps et les soucis, on reste les mêmes qu’il y a trente ans. »
« Pensive, Jeanne contemple La Garrigue, plongée dans la pénombre, une nouvelle fois dépositaire de tant de bouleversements. Puis, se tournant vers ces trois femmes si unies, qui ont grandi, vieilli, aimé, souffert et tellement ri en son sein, elle songe que le temps est venu pour elle de tenir parole. »
« Est-ce qu’on agrandit sa famille ou est-ce qu’on en change ? Une chose est sûre : elle n’est pas prête à quitter ses frangines et elle les trimballera longtemps, quels que soient les changements qui s’opèrent pour elle. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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