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"Les ombres blanches" de Dominique Fortier, aux éditions Grasset



Tout commence à la mort d’Emily Dickinson, sa sœur Lavinia en deuil s’apprête à respecter les dernières volontés de la défunte : brûler toute sa correspondance. Ce qu’elle fait : elle jette toutes les lettres dans le feu, sans les lire. Cependant, quand elle tombe sur une multitude de bouts de papier, des vers écrits sur des coins d’enveloppe, des bribes de poèmes sur des tickets, Lavinia hésite. Emily avait mentionné sa correspondance, pas ses poèmes. Alors que faire ?


Lavinia est tiraillée mais elle ne peut jeter la poésie de sa sœur. Elle doit l’éditer. Mais comment reconstruire un poème à partir de ces vers éparpillés ?


Avec l’aide de Susan sa belle-sœur, de Mabel, la maîtresse de son frère et de Millicent, la fille de Mabel, elles reprennent chaque morceau de papier et comme pour un puzzle, elles assemblent les mots par thème, musicalité, émotions. Ces quatre femmes vont redonner vie au travail d’Emily Dickinson. Elles vont redonner vie à sa poésie.


Elles sont liées, s’aiment, se détestent, sont amies, rivales mais elles vont toutes les quatre œuvrées pour rendre hommage et mettre en avant les écrits d’Emily Dickinson.


Editer ces poèmes, est pour Lavinia et Susan, un moyen d’amoindrir leur chagrin et de faire leur deuil. Pour Mabel, satisfaire son ego et se donner un but, elle qui se sent incomprise et aimerait laisser une trace dans l’histoire comme son mari, astronaute. Pour Millicent, enfant solitaire et rêveuse, par sa poésie, Emily est devenue son amie imaginaire.


Le réel se mélange à la fiction pour rendre un très bel hommage aux femmes qui ont contribué à faire connaître l’œuvre d’Emily Dickinson. Les femmes de l’ombre qui ont su déchiffrer et défricher sa poésie.


Par la fiction, des extraits de poèmes et des passages autobiographiques, l’auteure exprime sa passion pour la « dame en blanc », surnom d’Emily Dickinson et met sur le devant de la scène, quatre femmes anonymes et oubliées, quatre femmes, oscillant entre tradition et modernité, quatre femmes qui ont joué un rôle important dans la publication des poèmes.


Un livre lumineux qui donne envie de (re)découvrir la poésie d’Emily Dickinson.


Des pages bouleversantes et empreintes de douceur et de musicalité. Un récit élégant et poétique pour évoquer la passion pour la nature et les fleurs, le deuil et le pouvoir des mots et des livres.


Les passages du livre qui m’ont touché :


« On déménage la porcelaine enveloppée dans de vieux journaux, les oranges emballées dans du papier de soie, les robes neuves soigneusement pliées en deux dans de grandes boîtes en carton, mais dans quoi diable faut-il transporter la poésie ? »


« Les bibliothèques sont encore des forêts. Ouvrir un livre, c’est se retrouver au-dehors (de soi, du monde qui nous entoure) en même temps qu’au plus près des êtres et de ses propres secrets, par le prodige de cet autre monde inventé ou sauvé du temps, couché sur la peau blanche de ces grandes créatures dont les racines s’enfoncent profondément dans la terre tandis que leurs branches se tendent vers les nuages. »


« Sortir, pour quoi faire, quand il reste des continents à découvrir dans les blancs entre les mots. »


« Les mots ne sont pas vivants, et pourtant, depuis des mois, chaque fois que Mabel relit l’un des courts poèmes d’Emily, elle a l’impression qu’un deuxième cœur se met à battre entre ses côtes. Peut-être est-il là, le moyen de vivre cent vies sans pour autant tout faire voler en éclats, peut-être s’agit-il de les vivre dans cent textes différents. Une vie par poème. »


Et vous, quel passage vous a parlé ?

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