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"Les habitués du temps suspendu" de Rebecca Benhamou aux éditions Fayard



Il y a nos quartiers qui abritent nos pas et nos rencontres quotidiennes et aussi, les rencontres qui changent nos vies.


A 90 ans, Salomon, horloger à la retraite, passe chaque matin le seuil du café de son quartier, le Temps suspendu. Il y croise chaque jour ses habitués : l’homme qui lit des classiques au comptoir, la jeune femme qui photographie avec un kodak jetable et la femme qui prend son petit-déjeuner silencieusement. Et un matin, son regard croise celui de Lila, une jeune violoncelliste qui offre à ses habitués un air de Bach.


Dans ce morceau, il y a le passé de Salomon. Dans ce morceau, il y a les larmes de Lila. Dans ce morceau, il y a un voyage vers un pays de l’autre côté de la Méditerranée qui abrite leurs histoires à tous les deux. Un pays que Salomon a fui cinquante ans plus tôt et dont Lila a hérité par son père, aujourd’hui disparu mais dont elle n’a jamais foulé la terre.


D’un commun accord, Lila va jouer pour Salomon et Salomon va raconter l’histoire de leur pays à travers la sienne. La musique de Lila va éveiller les souvenirs du vieil horloger. Des notes de musique, les battements d’une montre ancienne et les souvenirs d’un pays à travers les années pour raconter un pan de l’histoire avec ses guerres et ses exils, le temps qui passe, l’amitié, l’amour et une très belle rencontre entre deux déracinés.


La naissance d’une amitié touchante entre deux êtres dont le temps semble s’être suspendu. Le besoin de se confier pour retourner le sablier du temps et entendre à nouveau les battements de leur cœur. L’histoire avec son temps qui passe, ses instants suspendus et ses souvenirs imprimés en nous.


Assis à leurs côtés, dans ce café parisien, on se laisse bercer par l’histoire touchante de Salomon et par la bienveillance de ces habitués. La musicalité des mots de Rebecca Benhamou nous emporte.


Un magnifique roman qui nous emporte de l’autre côté de la méditerranée et nous parle avec justesse et sincérité des exils et des guerres qui touchent les hommes. Un récit solaire avec en premier plan la fraternité, l’amitié et l’amour.


Une histoire touchante dont on en ressort avec le sourire aux lèvres, le fredonnement de l’air de Bach et pleins de jolies émotions.


Un coup de cœur !


Les passages du livre qui m’ont touché :


« Les mots se lèvent à l’est d’une page, et se couchent à l’ouest. Une phrase après l’autre, comme le jour et la nuit. Et puis, fais attention à ceci : il y a du blanc entre les mots, entre les lignes, entre les strophes. Il y en a partout, mais personne n’y prête jamais attention, comme si c’était juste du vide, une sorte de néant dans lequel rien ne se passe. Des airs en friche, sans paroles. Dans la vie, on pense souvent que ce qui a de la valeur, c’est uniquement ce que l’on voit, ce qui est inscrit à l’encre noire, offert à nos yeux. Et quid de tout ce blanc ? Eh bien, pour moi, ce blanc-là contient des silences mûris, des sagesses muettes et enfouies. Peut-être même que c’est dans ce vide, sur la page, que l’on peut toucher du doigt la teneur et l’épaisseur du temps qui s’écoule. »


« Il est des moments comme celui-ci, pense l’horloger, où sans que l’on sache pourquoi, avec un peu de musique, les yeux doux d’une étrangère et un bout de ciel, brusquement le sablier se retourne, et la vie, qui s’était interrompue, reprend. »


« Ensommeillé, en état de veille. C’est être au monde comme on est à la nuit. Exister tout juste, mais pas vivre, pas vraiment. C’est avoir un cœur qui ne change jamais de cadence, qui bat par habitude, et non par sa propre volonté, qui ne ralentit ni ne s’emballe jamais. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais, vois-tu, parfois on perd la vie dans la vie. »


« Il tenterait de s’en faire le récit, d’en comprendre la genèse, tout en se disant que quelque chose, entre eux, était de l’ordre de l’évidence, qu’il n’y avait eu ni jeu, ni faux-semblants, juste une pureté de sentiments. Cet amour grandirait vite parce qu’il n’était encombré de rien d’autre. Chemin faisant, il se dirait que certaines rencontres n’avaient décidément rien à envier à l’aube. »


« Le chemin vers le passé est balisé de vieux cordages, on dirait qu’il le mène vers une mer lointaine, une autre vie, à marée basse, vers laquelle il se dirige doucement, sans hâte, au son d’un violoncelle. »

Et vous, quel passage vous a parlé ?

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