« Tiré de faits irréels » de Tonino Benacquista aux éditions Gallimard
- quandleslivresnousparlent
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture

24 h dans la vie d’un éditeur, sans champagne, soirée mondaine, succès florissant, prix littéraire et critique élogieuse.
24h dans la vie d’un éditeur à bout de souffle, des ventes en perte de vitesse, un dépôt de bilan prévu pour le lendemain.
Du jardin du Luxembourg à la rue des beaux-arts en passant par la place de l’Opéra, Bertrand se souvient de ses débuts en tant qu’éditeur, de ses premiers succès, des auteurs qui ont fait sa renommée mais qui lui ont aussi fait perdre beaucoup d’argent et créé des soucis.
Pendant une journée et une nuit, il se balade parmi ses souvenirs. Il se perd dans ses contemplations. Il cherche à amoindrir le choc pour ses employés et à trouver une dernière solution pour sauver sa maison d’édition.
Il y aura des espoirs, des retrouvailles et surtout une rencontre.
Un très beau livre qui mêle puissance des mots, sincérité et humour. Il rend hommage à la littérature d’hier et d’aujourd’hui, et surtout au monde de la littérature : juré, éditeur, écrivain, critique littéraire ou encore lecteur.
Il y a beaucoup de réflexions sur le système actuel de l’édition et de la parution des titres littéraires par milliers chaque année.
Ce roman est un très bel hommage à la littérature.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Depuis notre conversation sur la terrasse d’Enzo, 5 romans ont été publiés en France. Demain matin, il s’en sera publié 12 de plus, dont 11 seront oubliés avant midi. En tout, plus de 10 000 romans par an. N’avez-vous donc aucune pitié pour moi, malheureux juré (ce vendu !), contraint à chaque rentrée de choisir un roman dans une masse de 500, et de me faire ainsi 499 ennemis, pendant que mon compagnon s’agace de devoir contourner des stalagmites de livres dans le salon ? Aucune pitié pour le lecteur, perdu au milieu de « 50 000 nouveautés par an », si l’on y ajoute la non-fiction ? Aucune pitié pour les libraires, qui attrapent des tours de rein avec des cartons de plus en plus nombreux, dont certains ne seront même pas ouverts et repartiront direct au pilon ? »
« A dix-sept ans, je l’avais vue comme une ingénue à l’imaginaire nourri par trop de livres, et forcément déçue par un mariage bourgeois. A trente, comme une femme-enfant mue par son seul principe de plaisir et son refus obstiné du principe de réalité. A quarante, cette exaltée permanente et éternelle frustrée m’avait épuisé (…). En avalant l’arsenic, c’est d’elle-même qu’elle me délivre. A cinquante, dans mon ermitage normand, j’avais relu toute cette histoire à travers les yeux de Charles, le mari, le vrai personnage romantique, sans cesse moqué, sans cesse aimant, même par-delà la mort de celle qui l’a tant méprisé. Et à soixante ans passés, j’ai à nouveau fait la connaissance de cette jeune femme innocente qui apprend à ses dépens que la vie n’est pas un roman. Quand je serai mort, enterré, oublié, Emma aura encore tout l’avenir devant elle. »
« Elle ne semble pas attendre un rendez-vous et sans doute est-elle descendue tout exprès pour lire à ciel ouvert et profiter de la douceur d’un premier soir d’été. Je sais depuis toujours que le dernier lecteur sera une lectrice. »
« Un livre en main, elle a le pouvoir de transformer les bistrots, les compartiments de train et les salles d’attente en cabinets d’ubiquité. »
« Si elle lit, c’est justement parce qu’elle aime la vie réelle. Elle ne nourrit aucune ambition mais nul doute que dans un futur proche elle sera nominée au prix Nobel de Lecture. Et chaque fois qu’elle se rendra à Paris, elle se recueillera sur la tombe du Lecteur inconnu. »
« Nous sommes vendredi, 17h10. Partout, des humains naissent ou meurent. Quelque part, quelqu’un commence un roman. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
Comments