Esther et Héloïse se rencontrent en 1977 sur les bancs de l’Ecole alsacienne, elles ont 11 ans. Ensemble, pendant 40 ans, elles traversent les années, s’éloignent, se retrouvent mais restent toujours soudées.
Colombe Schneck raconte la vie de ces deux adolescentes, jeunes femmes puis femmes, nées dans le « bon quartier ».
Le roman commence par une succession des bons moments qu’elles passent toutes les deux : leur amitié naissante, les vacances ensemble, leurs familles, les études qu’elles choisissent, les rencontres amoureuses. La deuxième partie du roman avec l’annonce de la maladie d’Héloïse est plus touchante. Car malgré leur statut de « petites bourgeoises », la vie ne les épargne pas, elles connaissent les divorces, séparations, licenciements, les boss relous et la maladie incurable dont Héloïse se découvre atteinte à l’aube de ses 50 ans.
Autant Esther ne sait pas faire face à cette annonce et se sent à côté de son rôle d’amie, Héloïse, elle, accepte la maladie avec force et dignité. Elle fait face sans jamais se plaindre.
Dans son roman, Colombe Schneck aborde la question du deuil d’une amie, de son amie. Par des mots touchants, elle lui rend un très bel hommage. On rit sur des passages, on a les larmes aux yeux sur d’autres.
On se retrouve dans ces deux femmes, à la fois fortes, irréprochables et maîtresses d’elle-même derrière leurs carapaces qu’elles soignent avec des escarpins, des bijoux et des soins, qui tentent de tout contrôler, d’être parfaite, mais que si on gratte un peu, cachent des faiblesses et leur manque d’assurance. Ces femmes qui aiment, se cherchent, s’interrogent, n’ont pas toujours confiance en elles, sont encore très liées à l’éducation qu’elles ont reçue et restent passives face à des situations où on leur a inculqué qu’il fallait rester « sage » alors qu’elles auraient le droit de tout envoyer valser.
Loin du cliché des « petites bourgeoises », c’est un très beau portrait de femmes, drôle et touchant à la fois. Le style est rythmé. Les mots sont percutants. C’est un roman court mais puissant.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Ensemble, c’est ce sujet, l’amour, plus que les élections, plus que le réchauffement climatique, plus que l’avenir du monde, qui leur importait. Elles n’étaient pas des filles cool, engagées, militantes, elles étaient des filles qui recherchaient l’amour des garçons. »
« Elles fêtent leurs quarante ans, elles n’ont toujours pas de rides. Les garçons de leur âge, de leur milieu, qui ont les mêmes diplômes, les mêmes expériences, sont mieux payés qu’elles et ont été nommés chefs, pas elles, elles ne trouvent pas cela injuste, elles pensent que c’est normal. Ils passent plus d’heures qu’elles dans leur bureau, ils ont davantage d’autorité, ils sont sûrs d’eux, ils parlent sans hésiter, elles doivent se dépêcher de rentrer à la maison s’occuper des enfants, elles se trouvent moches et nulles. »
« (…) dans ces moments où elle écrit, son ordinateur sur les genoux, elle est bien. »
« (…) le droit d’avoir quelques défauts. »
« Il y a mille façons d’être ami alors qu’il y a peu de façons d’être en couple. La société a des intérêts dans le couple amoureux, elle lui impose donc un certain nombre de règles ; il faut avoir des enfants, fréquenter l’autre famille, vivre ensemble. Elle n’en a aucun dans la relation amicale, elle la laisse libre. »
« Peut-être que sa franchise, dire qu’elle ne sait pas, son honnêteté, dire ce qui ne se fait pas, sa droiture, dire ce qui est possible, son intelligence rigoureuse, dire comment cela est possible, sont inadaptées à ce qui est exigé pour « faire carrière » dans une entreprise capitaliste. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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