« Sous leurs pas, les années » de Camille Bordenet aux éditions Robert Laffont

De ces paysages d’Isère, Jess ne s’en lasse pas. Elle les observe chaque matin en conduisant les enfants des villages vers l’école. Elle les suit en donnant des cours de conduite. Ses heures de travail, elle ne les compte pas. Elle veut pouvoir un jour s’offrir la maison de ses rêves avec son mari et sa fille. De ce village qui l’a vu grandir, Jess n’en est jamais partie.

Constance brille sous les projecteurs des plateaux télés. Elle est présentatrice d’une émission. Sous le fond de teint, il y a les cernes et les nuits sans sommeil. Sous le sourire de façade, il y a les doutes et la colère d’écouter chaque jour les mêmes invités. De cette réussite à Paris, elle n’en tire plus grand profit. Alors quand sa grand-mère disparaît et qu’il lui faut retourner dans son village natal en Isère pour l’enterrement, Constance appréhende.

Elle est accueillie en star mais elle n’a pas l’impression d’avoir mieux réussi sa vie que ses amis de lycée qui sont restés, et notamment Jess, sa meilleure amie d’enfance qu’elle a quittée brusquement à 18 ans en partant pour Paris.

Pour leurs retrouvailles, les deux femmes vont se retrouver plusieurs heures dans l’habitacle d’une voiture. Presque 20 ans après, que reste-t-il de leur amitié ?

Un roman foisonnant qui aborde de multiples thèmes d’actualité. Il dessine les contours d’une génération entre celle qui reste et celle qui part. Il montre les oppositions et les désillusions des habitants des campagnes. Il conte les fêtes du village et les revendications sociales. Il met en avant les batailles des maires qui ne veulent pas abandonner.

C’est un premier roman passionnant et plein d’émotions. Il apporte du rire, de la réflexion et de la colère parfois.

C’est un très beau portrait des villages et de ses habitants, une voix pour les doléances qui n’ont pas été entendues et surtout un très beau récit d’amitié.

C’est engagé avec à la fois beaucoup d’humour et de tendresse.

Il y a de la rage dans l’écriture. Il y a aussi beaucoup de cœur.

Un coup de cœur !

Les passages du livre qui m’ont touché :

« De même qu’à quatorze ans elle pouvait consacrer des heures à découper Britney dans Fan 2 ou à collectionner des figurines de dauphins, elle passait aujourd’hui un temps fou dans les rayons des parapharmacies à lire la composition des sérums antirides, captivée par les promesses de régénération de l’acide hyaluronique et du bakuchiol comme par celles garantissant équilibre émotionnel et sommeil profond. »

« Elle s’intéressait au temps, oui. Celui qui passe, celui qu’on perd, celui qu’on prend, celui après lequel on court. Pas à celui qu’il fait. Puisqu’il était là, chaque matin recommencé, quel intérêt de le savoir à l’avance ? »

« (…) cette espèce d’injonction à n’en rien manquer, à avoir un avis sur tout, le présentéisme étendu aux loisirs et aux vacances, qui n’avaient plus rien du temps dit libre. D’ailleurs, on parlait de faire des pays, de faire des expos. »

Et vous, quel passage vous a parlé ?