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"L'art de perdre", d'Alice Zeniter

  • quandleslivresnousparlent
  • 24 mars 2021
  • 4 min de lecture


A travers cette jolie fresque romanesque, Alice Zeniter retrace l’histoire de trois générations. Du début des années 50 en Algérie à la France d’aujourd’hui, on suit le chemin d’Ali, d’Hamid et de Naïma, père, fils et petite-fille.


L’histoire commence au début des années 50 en Algérie, où Ali, en patriarche connaît, renommé et richesse dans les crêtes de son village grâce à un pressoir pour olives. Il suit son petit bout de chemin sans se poser de questions, heureux, entouré de sa femme, ses enfants et ses frères. Mais le début des tensions pour l’indépendance, le conduit à faire des choix pour protéger sa famille. Menacé, il sera contraint de quitter sa Kabyle natale et ses montagnes avec sa femme, Yema, et ses enfants pour la France, après les accords d’Evian.


On découvre l’arrivée en France d’Ali et sa famille dont Hamid, le fils aîné, dans les camps de transit et la lenteur de l’administration pour les accueillir décemment. Hamid a une dizaine d’années quand il découvre la France, il va travailler avec acharnement pour apprendre le français et se faire accepter. Il est l’intermédiaire entre l’administration française et ses parents qui ne savent ni lire, ni écrire.


De nos jours, Naïma, la petite-fille d’Ali et fille d’Hamid, jeune femme de 30 ans, ne connait rien de ses racines algériennes. Son père refuse de lui en parler. C’est son travail dans une galerie d’art et la rencontre avec un vieux peintre algérien, qui va l’amener à traverser la méditerranée à bateau comme son grand-père et son père à l’époque pour découvrir ses origines.


Ce livre retrace un grand pan de l’histoire que l’on n’étudie pas assez en profondeur en cours d’histoire. On y découvre les camps de transit où sont restés pendant de nombreuses années les Algériens arrivés en France, la lenteur de l’administration française pour les accueillir convenablement et avec décence.


Par la fluidité de l’écriture, on se balade dans l’Algérie des années 50, l’Alger de 1962 et la Kabyle de nos jours quand Naïma va à son tour partir à la découverte de ses racines. On ressent la chaleur des étés quand le soleil brille et la dureté des hivers dans les montagnes, on respire l’odeur des oliviers et des arbres, on sent les épices des repas de fêtes. Ce livre montre aussi l’importance de notre histoire familiale et qu’on se construit grâce au lien intergénérationnel. Ce roman met en évidence la transmission et l’héritage de nos origines.


Un très joli roman avec une fresque historique passionnante et très bien détaillée.


Les passages du livre qui m’ont touché :


« Quand quelqu’un se tait, les autres inventent toujours et presque chaque fois ils se trompent, alors je ne sais pas, peut-être que les écrivains dont vous parlez se sont dit qu’il valait mieux tout expliquer tout le temps à tout le monde plutôt que les laisser projeter sur le silence. »


« Ce qu’on ne transmet pas, ça se perd, c’est tout. Tu viens d’ici mais ce n’est pas chez toi. »


« L’avion la mènerait en à peine plus de deux heures de Paris à Alger, ou plutôt – et cette pensée l’amuse parce qu’elle lui paraît distorde les livres d’histoire dans lesquels elle s’est plongée – de Roissy-Charles de Gaulle à Houari Boumediene. Le bateau est bien plus lent – dans le cadre de son travail, c’est sans doute une perte de temps – mais voyager par la mer, c’est accomplir le chemin en compagnie des pauvres et des chargés, des conducteurs des voitures cathédrales photographiées par Thomas Mailaender, c’est faire un lent et lourd voyage de fourmi dans le ventre d’une baleine de métal. Prendre le bateau, c’est retourner à Alger de la même manière que sa famille l’a quittée. »


« La semaine suivante, des langues-de-chat ont remplacé les spéculos dans la petite assiette placée sur la table basse. C’est une boîte de biscuits industriels qui vient d’un supermarché, il doit s’en vendre des milliers dans le monde chaque jour et pourtant, en mordant dans une langue de chat, Naïma pense encore à Yema. A un moment de son enfance qu’elle est incapable de dater, sa grand-mère a décidé d’intégrer la nourriture occidentale à ses recettes et à ses réserves, comme si elle voulait montrer à ses petits-enfants qu’elle pouvait se mettre à la page ou comme si elle avait peur que leurs palais de petits Français les poussent vers des aliments qu’ils ne pouvaient trouver chez elle. Yema a essayé le couscous avec des frites, la pizza au mouton, le hamburger fait de Kesra et bien sûr toutes les marques de biscuits du plus grand Leclerc de France qui jouxtait la cité. Elle était tellement fière de ses achats - entièrement basés sur les images apparaissant sur les paquets – que jamais Naïma ni ses sœurs n’ont osé lui dire que les gâteaux secs du supermarché étaient insipides et qu’elles espéraient le prompt retour des pâtisseries au miel. Naïma ne sait plus combien de langues-de-chat, identiques à celles offertes par le vieux peintre, elle a ingurgité en souriant à sa grand-mère pour ne pas peiner. »


Et vous, quel passage vous a parlé ?

 
 
 

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