Un soir. Une brasserie parisienne. Une dizaine de couples attablés.
Le décor est posé. La caméra est allumée. Alors Action !
Comme dans un film, nous voilà virevoltant au fil des pages, de tables en tables, à écouter ces hommes et ces femmes, se séduire, se confier, se disputer, se chercher du regard ou même chercher des sujets de conversation pour combler les blancs entre deux bouchés et des banalités.
Nous, lecteurs avec la complicité de Marion, qui prend les commandes et jongle avec les plats et Cyril, qui a élu son comptoir comme poste d’observation, on joue les oreilles indiscrètes de ces couples aussi touchants les uns que les autres. Car dans cette salle, il y a des couples qui se rencontrent pour la première fois, des couples usés par les années, des couples qui s’apprêtent à écrire une nouvelle page de leur histoire et des couples qui se voient pour la dernière fois. On regarde leurs mains s’effleurer, leurs yeux se chercher ou au contraire se fuir.
Alors on prête l’oreille et on écoute leurs confidences, leurs reproches, leurs doutes, leurs peurs, leurs annonces. On sent au son de leur voix et aux mimiques sur leur visage, les questions qui se posent sur leur couple, l’amour qui les lie ou le bonheur d’être ensemble.
Cyril derrière son comptoir observe ces couples et sa collègue, Marion qui œuvre en salle. Marion ne le laisse pas indifférent alors au milieu de ces couples qui se font et se défont, cette soirée serait-elle aussi pour eux, le début de quelque chose ?
Une caméra posée sur des moments de vie. Un joli portrait de couples décrit avec tendresse et justesse.
L’auteure explore les états d’âme et d’esprit de plusieurs couples. Elle montre la complexité des relations amoureuses et raconte les réflexions sur les sentiments qui se font et se défont.
A travers chaque chapitre, on rentre dans l’intimité du couple. On suit des situations ordinaires, des réflexions sur le bonheur et le couple. On passe des premiers mots échangés, au premier « Je t’aime », des non-dits, des frustrations, de l’usure des années passées, des mots durs, des dernières fois et des «C’est fini ».
Un roman choral où chaque personnage joue son rôle, sa soirée et surtout sa vie. On s’invite à leur table, on se pose à leur côté. On les écoute. On rit de les voir jeter des coups d’œil et surtout tenter de savoir ce qui se raconte aux tables voisines car : qui n’a jamais écouté ses voisins de table, imaginer leurs vies, tendus l’oreille quand le ton monte ?
Une histoire haute en couleur qui a une forte dimension cinématographique. On se croirait dans un film de Claude Sautet qui est d’ailleurs nommé à plusieurs reprises dans le livre à travers le film «César et Rosalie ».
C’est un roman touchant sur l’amour et les couples. Ceux qui se créent, grandissent et s’éloignent.
Un livre qui donne le sourire. On s’enveloppe dans la chaleur de ce roman comme la chaleur des salles de restaurant.
Une jolie valse entre les tables de ce restaurant. Un menu en trois plats : Douceur, humour et sensibilité pour un roman dont il ne faut surtout pas passer à côté.
Les passages du livre qui m’ont touché :
« Elle le crie presque, avec une joie spontanée d’enfant. Et met immédiatement la sienne devant sa bouche : elle a parlé trop fort ! Elle sait se réjouir pour les autres, c’est cela qu’il retient. Elle a le cœur grand. C’est important. Pas de repli sur un petit nombril rentré et tortueux même si la blessure qu’il devine pourrait y conduire par mesure de protection. Le bonheur des autres ne fait pas d’ombre au sien, mieux, il l’appelle, le nourrit et le rend envisageable. »
« Qu’elle confonde sa droite et sa gauche. Qu’elle soit sensible à la forme de nuages et à la direction du vent. Qu’elle mette des Post-it partout pour se souvenir des choses. Qu’elle aime le brouillard. Qu’elle récite l’alphabet à rebours. Qu’elle coince ses jupes longues dans les rayons de son vélo. Qu’elle fasse des repas de desserts. Qu’elle traverse sans regarder. Qu’elle emporte toujours son maillot de bain, on ne sait jamais, s’il y a une rivière dans le coin. Qu’elle skie la bouche ouverte pour attraper les flocons de neige. Qu’elle se reprenne sans cesse quand elle parle, qu’elle donne d’autres mots, des synonymes, qu’elle précise, explique, que ses phrases soient si longues. Qu’elle ait besoin de ses mains, du coup, pour étayer son discours et ses détours. Qu’elle cache les yeux quand elle a honte d’avoir dit ou fait quelque chose. »
« Après deux légères oscillations, le vélo prend son rythme. Ils descendent du trottoir et gagnent la route déserte. Le poids sur l’avant rend la conduite dangereuse. Mais il n’échangerait sa place pour rien au monde. Et s’il devait fournir à qui l’interrogerait une image de ce qu’ils sont en train de façonner ce soir, il donnerait précisément celle-ci : elle et lui sur le vieux vélo paternel, un peu aveugles, très émus, avec une destination incertaine, un poids mal réparti qui complique l’avancée. C’est exactement eux. A leurs commencements. »
Et vous, quel passage vous a parlé ?
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