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"Son parfum", de Nathalie Beaux aux éditions Macha



L’odeur du Chanel n°5 est reconnaissable parmi de nombreux parfums. Parce que ma grand-mère le portait, parce que ma mère le porte, j’ai eu envie de découvrir la vie de son créateur : Ernest Beaux. Un personnage romanesque à la fois artiste, homme d’affaires redoutable, diplomate, soldat héroïque de la première guerre mondiale, qui a eu mille vies.


Dans son roman, Nathalie Beaux s’est penchée sur la vie de son grand-père et à travers de nombreuses recherches historiques, des lettres retrouvées et des souvenirs contés par sa grand-mère et sa mère, nous conte la vie de cet homme et de sa première épouse, la belle et délicate Ida qui lui inspira la création du parfum Chanel n°5.


L’histoire débute en janvier 1912 en Russie, dans un décor enneigé avec le mariage d’Ida et Ernest. Ils s’aiment malgré leurs origines et leurs caractères différents. Ida, enfant unique au caractère doux et réservé, pianiste virtuose, gracieuse jeune femme de 18 ans, à la fois russe et allemande. Ernest, trentenaire téméraire à la fureur de vivre, dixième enfant d’une fratrie, grand créateur de parfum en Russie, français par son père et russe par sa mère. Très vite, ils ont un fils, Edouard. Très vite, ils vivent chacun de leur côté. Ernest est pris dans les mondanités qu’il affectionne : dîners, vernissages, ballets et ses conquêtes. Ida retourne dans le village de son enfance, à Ivanovskoye, au milieu des forêts qui lui sont chères et près de sa famille.


La guerre éclate et va creuser leur séparation. Ernest s’engage pour ses deux pays : la France et la Russie. Il sera dans un premier temps simple soldat, puis prendra des grades et obtiendra de nombreuses médailles à la fin de la guerre. Ida reste dans un premier temps à Moscou et aide comme infirmière dans les hôpitaux de fortune. Puis avec la révolution de 1917 et les agressions face à la bourgeoisie russe, elle retournera à Ivanovskoye avec Edouard. Là, douée de ses mains, elle vit de travaux de couture et continue de s’évader avec ses partitions de piano et les longues marches dans la nature avec son fils. Ils seront séparés pendant de nombreuses années jusqu’à leurs retrouvailles à Cannes en 1920.


Par amour pour sa femme, Ernest crée plusieurs parfums dont le n°5 qu’il présentera à Gabrielle Chanel. Il s’est présenté à elle avec deux séries numérotées de 1 à 5 et 20 à 24. C’est le n°5, chiffre porte-bonheur de Mademoiselle Chanel qui retint toute son attention et sera créé sous ce nom dans un flacon épuré. Une collaboration naîtra entre les deux artistes et sera à l’origine de plusieurs parfums comme le n°22, Bois d’Iles, Gardénia.


Une fresque historique riche et passionnante. On est plongé dans la première guerre mondiale au plus près des Français de Russie qui ont combattu sur les deux fronts. On apprend beaucoup de la révolution bolchevique, de ces principaux personnages et de l’exil des Français de Russie à partir de 1918 suite aux persécutions et arrestations qu’ils ont connues.


Un homme et une femme, courageux, qui n’ont jamais abandonné et ont su rebondir malgré les combats, la fuite, la perte de tout ce qu’ils avaient construit avant la guerre et la séparation avec leurs familles et leur pays de cœur.


Une très belle histoire d’amour, de guerre et d’exil.


La magnifique création d’un parfum intemporel porté par des générations de femmes.


Un très bel hommage d’une petite-fille à son grand-père et à sa famille.


Les passages du livre qui m’ont touché :


« Dehors, le vent souffle et emporte les feuilles. Elle sent l’odeur d’humus qui monte du jardin. Elle se lève et ouvre grand la fenêtre, comme pour laisser le vent balayer toute cette tristesse qui l’a empêchée de respirer ces dernières semaines. Un sourire pointe sur ses lèvres et elle ferme les yeux. Le vent redouble de force et fouette son visage, faisant entrer un tourbillon de feuilles dans la pièce. Mais Ida ne referme pas la fenêtre. C’est la vie qui souffle à nouveau. A elle de prendre son envol. »


« Seul le bruit de la porcelaine, lorsqu’ils reposent leur tasse, prenant une gorgée de thé entre deux histoires, ponctue ce partage d’un éclat bienveillant. »


« Cette note me hante, et j’aspire à pouvoir la retrouver, la recréer à mon retour en France. Elle est aussi le miroir des yeux d’Ida, de ces eaux d’un bleu si léger, et pourtant si profondes, insondables. Elle est le fil fragile mais tenace qui me lie à tout ce que je viens de traverser. La cerner et la recomposer pour la faire surgir d’un flacon serait comme saisir ce temps de guerre, et l’ordonner, l’écrire, l’exalter. Témoigner aussi que, sous la capote du soldat bataillant inlassablement pendant ces cinq années, vit toujours le parfumeur, l’explorateur des senteurs, le chercheur de parfum, le créateur… »


« Au fond, le parfumeur n’est qu’interprète : comme une tablette d’argile tendre, il laisse s’imprimer en lui les sons, les lumières, les multiples correspondances qui s’offrent à lui, pour peu qu’il ouvre tous ses sens, tel un nouveau Baudelaire, et dans un souffle inspiré, nourri de sa culture et de son sens artistique, il interprète ces impressions … »


« Il sait qu’il peut, qu’il doit écrire ce parfum, pour donner un sens à leur séparation, à ces années de violence et de mort, et surtout à ce silence effrayant. Il s’agit enfin de conjurer la perte du visage de l’autre dans le grain défaillant de la mémoire. »


« -Je présente ma collection de robes le 5 du mois de mai, le cinquième de l’année, nous lui laisserons donc le numéro qu’il porte et ce numéro lui portera bonheur.

Elle ne s’est pas trompée. Ce parfum est tout ce qu’elle cherche féminité, mais exprimée autrement, élégance intemporelle, senteur nouvelle, inédite qui déploie ses multiples facettes à mesure qu’on la découvre. »


Et vous, quel passage vous a parlé ?

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