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"Trésor national", de Sedef ECER



Quand Hülya reçoit un appel de sa mère, la grande actrice du cinéma turc, Ezra Zaman, qui lui demande d’écrire un éloge pour sa cérémonie funéraire qu’elle prépare depuis son lit d’hôpital et qu’elle s’apprête à mettre en scène au Théâtre de la Ville d’Istanbul comme dernier spectacle de sa vie, Hülya refuse dans un premier temps, de colère.


En colère contre les années passées loin de son pays d’origine depuis son exil pour Paris alors qu’elle avait seize ans, contre sa mère qui a toujours vécu pour ses rêves, ses pièces, ses films et sa gloire, contre le secret qui entoure la disparition de son père.


Mais le putsch raté de juillet 2016 fait remonter tous les souvenirs de Hülya et elle commence malgré elle à se remémorer son enfance et son adolescence en Turquie : la vie de diva de sa mère sur les planches et les plateaux, toujours entourées de ses quatre meilleurs amis et d’une foule d’admirateurs ; les soirées qu’organisaient ses parents à refaire le monde et les combats politiques de son père, photographe-reporter jusqu’à sa mystérieuse disparition.


Hülya retrace la vie de sa mère, femme passionnante et passionnée. Ezra est un personnage qui a besoin de tout théâtraliser et de transformer sa vie comme une scène de cinéma. C’est une grande rêveuse. Elle a beaucoup de contradictions ce qui exaspère sa fille. Elle est à la fois féministe mais joue des rôles de femme servile ; elle combat contre la religion et les opposants à la liberté mais sera la maîtresse d’un homme politique puissant.


Ezra est une femme qui casse les mythes, brise les règles, lève les yeux droits devant elle quand on lui demande de les baisser, joue nue dans ses films quand on impose aux femmes de cacher leur corps. C’est le portrait d’une femme libre, animée d’une force de vivre.


En retraçant l’histoire de cette femme, Sedef ECER, décrit à travers le récit de Hülya, la vie de la Turquie depuis les années 60 à nos jours, les différents coups d’états qui ont marqué le pays, les révoltes et la lutte de nombreuses personnes notamment les jeunes et les personnalités intellectuelles pour la démocratie et la liberté de penser.


Ce livre rappelle aussi que la Turquie a été un pays pionnier dans l’industrie du cinéma en produisant à une époque presque 300 films par an.


Ce roman rend un très bel hommage au cinéma et à l’ensemble de ses métiers, à la littérature et au théâtre, et donne envie de vite retourner dans les salles obscures.


« Trésor national » est un roman magnifique par son écriture et sa force romanesque. La construction du récit est brillante avec de nombreuses références historiques, aux œuvres littéraires, de théâtre et de cinéma, des personnages passionnants, une intrigue autour de la disparition du père de Hülya qui laisse du suspense jusqu’aux dernières pages et un chapitre final très émouvant.


Ce roman est une ode à la fiction, à l’écriture et aux rêveurs.


Les passages du livre qui m’ont touché :


« C’est l’inconvénient d’être née avec le virus des histoires, on vit les choses deux fois. Une fois parce qu’elles vous arrivent dans la vraie vie, et une fois pour les retranscrire. »


« Peu importe s’il y avait autant de faux que du vrai dans ces récits car ils servaient après tout à ajouter du rêve aux rêves. »


« Ce sont ces mots qu’un jour je t’ai entendue dire à la télé qui ont fait que j’ai décidé d’écrire, je crois:

-J’ai joué beaucoup de classiques mais lorsque j’interprète le texte d’un auteur vivant, le moment de rencontrer pour la première fois le demiurgos (tu l’as dit en grec pour que ça en jette) est ce qu’il y a de plus noble dans notre métier. Je suis toujours comme une petite fille intimidée devant un poète. »


« Feat eats the soul. »


« Et aujourd’hui je comprends que cette absence au monde, cette fabuleuse capacité d’être en dehors de toute logique est une élégance que possèdent seuls les vrais rêveurs. »


Et vous, quel passage vous a parlé ?

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